Marcher à travers l’histoire

C’est littéralement ce que l’équipe Terra Panama a prodigieusement effectué il y a quelques jours : nous avons partagé un grand moment d’aventure et d’histoire, en marchant dans les pas des esclaves, colons et pirates qui ont jalonné ces chemins ancestraux.

Deux chemins royaux façonnés dans la dense jungle ont permis pendant des siècles de transporter l’or et l’argent pillés du Pérou par les Espagnols vers l’Europe.

  • Le Camino de las Cruces était l’une des routes historiques de l’isthme de Panama qui reliait la mer des Caraïbes à l’océan Pacifique à l’époque coloniale. C’est ce chemin que nous avons parcouru.
  • Le Camino Realde Portobelo. Plus courte, cette route commerciale est devenue la plus importante de l’empire espagnol au cours des XVIe et XVIIe siècles, l’or et l’argent arrivant du Pérou étant transportés jusqu’à Portobelo, point d’embarquement de la flotte des Indes.

À l’aide d’un guide spécialisé pour la randonnée en jungle, nous sommes partis à l’assaut des 11 kilomètres du Camino de las Cruces, qui reliait la ville Panama au Rio Chagres. Aujourd’hui le départ s’effectue au niveau du Parc Soberania, l’un des grands parcs nationaux intacts qui entourent la capitale.

Le chemin n’est pas balisé, il faut suivre les traces anciennes laissées par les milliers de mules qui ont façonné au fil du temps un petit chemin. La grande majorité s’effectue dans le lit de la petite rivière.

 

Les conditions sont difficiles, surtout sous la pluie !

Mais l’histoire est si fascinante que nous en oublions les bêtes et les arbres épineux qui encombrent notre route. Les deux chemins royaux ont été construits et exploités par des esclaves noirs dans des conditions inhospitalières. La route que nous empruntons a été utilisée pendant plus de 300 ans aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles et a servi de pont aux civilisations latino-américaines et européennes, en particulier aux Espagnols de l’époque. notamment pour le transport de l’or et de l’argent.

La marche en jungle est engageante, nous arrivons vite à bout de nos réserves d’eau. Nous devons filtrer l’eau de la rivière pour poursuivre notre route. Nous croisons des singes hurleurs, des sangliers, des oiseaux et des grenouilles de toutes les couleurs, mais aussi un magnifique paresseux.
La jungle nous offre une immersion totale dans la nature avec ses bruits, ses odeurs, des découvertes surprenantes, sa vivacité.

Une fois arrivés au bout du chemin, à Venta de Cruces, à l’embouchure du Rio Chagres, le guide nous montre, à moitié enseveli sous la terre, les vestiges d’une ancienne église. En effet, dans l’attente d’un bateau, les personnes devaient parfois attendre longtemps sur les berges et une petite vie s’organisait. Une fois embarqués, l’or et l’argent partaient dans le Fort de San Lorenzo et étaient envoyés ensuite vers l’Espagne. La convoitise a attiré de nombreux pirates dans la région.

De notre côté, nous avons gonflé nos packraft et avons navigué depuis Venta de Cruces jusqu’à Gamboa. D’autres paysages s’offrent à nous: le Rio et sa petite brume, les nénuphars, les oiseaux …

Au loin, nous apercevons les bateaux transitant sur le canal de Panama. L’histoire rejoint ici le temps présent. Le chemin de l’or est remplacé par ce long canal, qui lui aussi a son histoire, son passé peu glorieux, et ses rivalités.
Le commerce de l’or a été remplacé par le commerce de tous types de marchandises mais la quête est la même : connecter les deux océans.

Le Camino de la Cruces a perdu de son utilité avec les attaques constantes des pirates et la destruction de Portobelo en 1739. Avec la construction du chemin de fer de Panama en 1855, le Camino Real de Cruces a été progressivement abandonné.